De Concord au Mont Athos

Vous souvenez-vous du film Into The Wild  ? Ce magnifique long-métrage de Sean Penn qui a été tiré de l’histoire vraie d’un jeune américain en soif d’idéal, d’authenticité et d’accomplissement. Le film se finit sur son « trip en Alaska », véritable expérience de vie en autarcie dans la nature sauvage.

Dans les lectures du jeune héros McCandless, il y a l’écrivain russe Tolstoï et aussi le penseur transcendantaliste, précurseur de l’écologie aux Etats-Unis et théoricien de la désobéissance civile, le vénérable Henri David Thoreau (1817-1862). Thoreau a expérimenté la vie dans les bois, 2 années qu’il a consignées dans son plus célèbre ouvrage « Walden« . Livre qui doit figurer dans toute bonne résolution de lecture pour 2013…

Eté 2011, je suis allé cramé mon quota CO2 sur les lieux, à Concord, Massachussets, aux Etats-Unis. Là où se trouvait la cabane de Thoreau et où le musée municipal expose plusieurs objets lui ayant appartenu. Je reconnais le côté fétichiste à vouloir ainsi découvrir le lit, la chaise et le bureau qui étaient dans la cambuse de Thoreau…

Jean Hill, la grand-mère qui a fait interdire les bouteilles plastiques

Concord est une petite ville banale mis à part qu’elle a été le théâtre d’une bataille capitale pour l’indépendance des Etats-Unis. En 1775, les Anglais furent défaits alors qu’ils préparaient les représailles suite au soulèvement du Tea Party à Boston. D’une certaine manière, l’indépendance américaine commence à Concord !

Cette bataille a d’ailleurs été célébrée plus tard par le poète et ami de Thoreau, Ralph Emerson. Eux deux étaient les chefs de file de que l’on appelle le transcendantalisme. Une pensée hautement spirituelle qui inspira la beat generation et le mouvement hippie.

Bref, Concord a libéré les Etats-Unis par deux fois ! Par l’épée et par la plume.

Et aujourd’hui je découvre cette actualité réjouissante qui nous vient de Concord. Le Huff Post rapporte que la ville est la première des Etats-Unis à bannir définitivement la vente de bouteille pastique. Bémols cependant : cela ne concerne que l’eau plate… Les sodas pourront encore être vendus dans leur bouteille en PET, à juste titre accusées de causer 38 milliards de bouteilles qui ne sont pas recyclées. Il y a bien entendu de nombreuses objections possibles mais je trouve cela tellement symbolique.

A l’échelle locale, il est encore possible d’interdire des objets et des comportements absurdes. Et du coup, je trouve cela admirable que cela se passe dans la ville de Thoreau, dans la ville de celui qui théorisa la désobéissance civile (Gandhi lui reconnaît sa dette) et l’expérimentation des forêts.

Le pont de Concord

Cette vie dans les bois me rappelle immanquablement l’expérience Zadiste qui se déroule actuellement à Notre Dame des Landes. Navré de ne pouvoir m’y rendre actuellement (je ne connais le lieu que par le Camp Action Climat de 2009) je suis, comme beaucoup, contraint de me contenter des récits épars fournis par des témoins directs ou quelques messages qui circulent sur la toile. Car aucun média « conventionnel » ne fournit pour le moment un semblant d’objectivité…

Dernier évènement en date, l’histoire des deux fugueuses qui déclenche des réactions caricaturales : pour les gazettes régionales c’est la preuve que la ZAD est un repaire de dangereux brigands ; pour Good Planet, c’est un maladroit éloge de la fugue. Les médias se sont une nouvelle fois focalisés sur l’anecdotique au lieu de nous parler, par exemple, de la condamnation absurde de Elise et Erwan

Pour voir des portraits de zadistes, il y a un bon documentaire qui tourne.

Dans la même lignée de ceux qui laissent la Ville pour voir la Forêt, il y a cette drôle de catégorie encore peu étudiée par la sphère écologiste : les moines. Je termine quelques ouvrages, également des témoignages, de Français ayant choisi de vivre au mont Athos, la presqu’île interdite. Un des plus beaux endroits sur Terre, un territoire autonome à l’Est de la Grèce où sont interdites de séjour les femmes. Et même les femelles ! Si si, vous avez bien lu : juments et ânesses sont interdites. Arrêtez votre mauvais esprit…

Depuis 1200 ans, seuls des hommes ont pu fouler cette terre sacrée. Je laisse le soin aux éternels offusqués d’y voir une atteinte au principe égalitariste homme-femme. Sans rancune !

J’ai passé 3 jours en 2006 au Mont Athos (sans cramer de CO2 cette fois-ci !) un peu par hasard, beaucoup par curiosité spirituelle. Impossible à décrire, en tout cas, un blog est peu idoine pour relater la richesse de ce mini-voyage.

En principe il est interdit de photographier le mont Athos

J’ai toujours établi un lien, un brin artificieusement, entre l’idéal de simplicité volontaire des écologistes/décroissants, et celle des moines orthodoxes du Mont Athos. En réalité, je me suis bien gardé de demander aux moines français s’ils voyaient un fil conducteur entre la philosophie écologiste et la mystique chrétienne. Il y a des interpénétrations c’est certain. Comme par exemple le monastère orthodoxe de Solan, en Ardèche, rattaché au Mont Athos d’ailleurs, où les soeurs produisent sur un vignoble biologique. Et j’ai vu que le mouvement Colibris relayait un appel à sauver le monastère menacé par un projet d’exploitation de carrière.

Et en lisant l’ouvrage d’Alain Durel, La Presqu’île Interdite, je découvre furtivement parmi les pages le terme de « sobriété joyeuse » que je pensais jusque là sous copyright Décroissance !

Un fait qui m’avait marqué au Mont Athos, c’est qu’en plus des moines et des pèlerins admis sur quotas stricts, on y trouve des réfugiés pour plein de motif différent. La presqu’île interdite accueille des fugueurs du monde moderne en quelque sorte. Qu’il existe donc, ZAD païenne ou Skite orthodoxe, des asiles politiques et spirituels pour échapper un instant à la course du monde, voilà qui devrait nous émerveiller.

Car alors cela signifie qu’un autre monde est possible !

Et, comme disait le poète, il est ici.

2 réflexions au sujet de “De Concord au Mont Athos”

  1. Une petite rectification à propos de la légende de la photo du Mont Athos : il n’est pas interdit de photographier au Mont Athos. J’y ai passé 8 jours et j’en suis revenu avec un millier de clichés, pris avec l’autorisation, et même parfois sur l’invitation des moines. Il y a juste certaines restrictions dans certains monastères.

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