Home, homme, O.M.

Veldorome vu du cielContrainte du jour: un billet qui relie 3 homonymes qu’a priori rien ne rassemble.

Seconde contrainte du jour: donner un avis sur The Film dont la pr(h)omo est aussi pachydermique qu’une épopée homérique. Un avis qui ne tombera pas dans trois écueils à savoir:

  1. Charybde: Film super avec de belles images. En plus c’est gratuit, mondial et ca peut éveiller les consciences. Si tout le monde prend conscience de la beauté et de la fragilité de la Terre, l’avenir sera plus vivable.
  2. Scyla: Film moraliste et hypocrite vu que les trois eco-tartuffes, passionnés jadis de Dakar, Taxi et Gucci, ont brûlé des tonnes d’essence pour leur hélico.
  3. Latium (le lieu commun…): dépassons la querelle des vrais et faux écolos. Si ce film permet à certains de prendre conscience et changer de comportement, c’est déjà un bon signal.

Ces sempiternels débats ne sont pas forcément inintéressants puisqu’ils posent perpétuellement deux questions au coeur de l’éthique:

  1. La fin justifie-t-elle les moyens ?
  2. Qu’est-ce qu’un « méchant » ?

A vrai dire, la deuxième question m’est réapparue récemment en ré-écoutant un vieux cours de Deleuze sur Spinoza. Comme cela, ca fait très pompeux… mais l’affirmation de Deleuze est vérifiable concrètement tous les jours: « le mal n’est rien !« . Autrement dit, le méchant n’est pas forcément le malheureux. Et réciproquement.

Pourquoi je parle des « méchants » àMais parce qu’on n’en voit aucun dans Home. Ils vivent cachés. Et donc, comme le dit l’adage, ils vivent heureux !

La semaine dernière, en visionnant Let’s Make Money, j’étais content de voir des méchants. Des méchants heureux certes, mais heureux à leur manière. Genre, dans une tour d’Ivoire de Singapour, avec une montre en ivoire…

Le problème des méchants, c’est que quand on en tient un, celui-ci dit impertubablement: « je ne suis pas coupable, je ne suis pas responsable. C’est le système qui est ainsi fait. »

La responsabilité est reportée en haut (les ultra-riches qui tiennent les manettes) ou en-bas (le vulgus pecum qui achète et consomme tout ce qui passe). Mais on sent bien, qu’en réalité, cette responsabilité est diluée. Diluée parmi les 6 milliards d’êtres humains que nous sommes.
Un milliardième de responsabilité, autant dire qu’on est pas coupable, n’est-ce pas.

Et pourtant…

Et pourtant il va bien falloir en trouver des méchants. Non pas pour les pendre, mais tout simplement pour comprendre.
Car soyons clairs, ce ne sont pas les sponsors du film qui vont changer au point de métamorphoser ce monde en joli papillon vert… Faudrait être sacrément naïf.

Non pas que ces sponsors soient vicieux, mais simplement car ils sont le reflet et le moteur d’un système qui lui est vicieux. Pour qu’une structure change, il faut que le système dans lequel elle s’inscrit change radicalement de paradigme. Pragmatiquement, il va falloir cesser de vouloir faire plus de chiffre d’affaire, plus de croissance, plus de bénéfices. Et je ne crois pas que le système économique actuel soit franchement pour !

Pour ceux à qui il faut mâcher les choses: il n’y a pas de capitalisme vert, pas de capitalisme durable, pas de croissance verte, pas de libéralisme vertueux…

Mais voilà que nous avons oublié la première question, qui est aussi l’équation inscrite en haut à droite de ce blog !
Réparons ce fâcheux oubli illico-hélico en disant que tout ceci est bien délicat à estimer.
Si l’on sent bien qu’il est difficile de prôner la non-violence par la violence, on peut par contre vraisemblablement admettre qu’on peut défendre l’écologie même en polluant.

D’un point de vue technique, on se moque un peu de la pollution exacte, au gramme de carbone près, qu’a générée le film. De même qu’on se fiche un peu que tout ceci ait été compensé. Sauf bien sûr pour ceux qui croient encore qu’on peut être neutre en carbone…

D’un point de vue symbolique, on se voit mal jouer au « plus écolo que moi tu peux pas !« . C’est une histoire de poutre et de paille vieille de 2000 ans.

Personnellement, mon seul espoir pour ce film, c’est qu’il contribue à sa manière, à conforter cette idée importante que oui, nous allons droit dans le mur. On sait jamais, il y en reste certainement qui ne sont pas au courant.

Le gros bémol étant de séparer le risque environnemental de ses racines qui sont elles économiques et idéologiques.

Et la première contrainte ?

Et bien je crois que ce film aurait du s’appeler non pas Home (la maison, eko en grec, eco) mais « homme » (sapiens ?).
Et que nous quitterons Charybde et Scyla pour gravir enfin l’Olympe de Marseille !

Mouarf !

4 réflexions au sujet de “Home, homme, O.M.”

  1. Il y a quelque chose qui m’a interpellé également.
    Un moment, on voit des myriades de serres sur des kilomètres carré avec une musique plutôt angoissante.
    Pareil pour d’autres images chocs de l’industrialisation. Toujours ce fond sonore terrorisant.

    Mais à la fin, les centrales photovoltaïques en plein désert, tout autant polémiques, bénéficient d’une musique fort enthousiaste. Bizarre !
    desert photovoltaique Home

    photovoltaique Home

    eoliennes Home

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  2. à Ficelle: c’est un peu comme demander à Baudelaire (toute proportion artistique gardée) d’écrire mal sur le spleen pour mieux faire comprendre le mal qu’on éprouve quand on a le spleen. Certes, ce film est explicitement une « oeuvre à message », ce qui n’est pas le cas, fort heureusement, de toutes les oeuvres d’art. Mais je ne vois pas bien comment déterminer une formule imparable pour servir « forcément » son message. Certains vont rester obnubilés par l’effet esthétique, d’autres vont s’intéresser au message grâce à l’effet esthétique, etc. Le parti pris de Home est clairement le tout-esthétique, ce qui donne un film très homogène qui a un effet assez hypnotique. Je le trouve réussi de ce point de vue-là. Rien n’empêche de voir d’autres films qui ont des partis pris complémentaires.

    La critique de Baptiste sur l’absence de méchants me semble comparable: filmer les méchants en tant que tels, dans leur vilain travail, aurait supposé de faire un tout autre film, avec des séquences de reportage, des interviews, etc. Ce film ne prend pas pour objet des hommes particuliers et des activités particulières mais l’inscription et les retentissements des activités des hommes en général dans les paysages et l’écosystème en général et montre l’entrelacement des formes naturelles et des formes artificielles, dont certaines ont une beauté presque naturelle tandis que d’autres détonnent. Il montre que cet entrelacement est dans la droite ligne de l’histoire de la vie tout en faisant comprendre qu’il risque de briser cette ligne. Les structures très géométriques et les lignes brisées sont récurrentes dans le film. On pourrait sans doute analyser beaucoup de traits stylistiques du même ordre pour discuter de la qualité artistique de l’oeuvre. Cela pourrait prendre la forme d’une discussion strictement esthético-critique, mais rien n’empêcherait d’exploiter ces raffinements esthétique dans un sens pédagogique. On peut penser que, si ce film est de grande qualité artistique (je ne m’avance pas sur la question), sa puissance n’est pas dans le message explicite mais dans l’agencement stylisé de ses formes, qui a lui seul doit pouvoir produire sur le spectateur les effets supposés du message explicite, de manière plus décisive parce que plus vivante et plus singulière.

    Par contre j’ai éprouvé le même scepticisme à l’égard de ces immenses champs de panneaux photovoltaïques, présentés comme un élément clé de la solution, alors que cette tendance au gigantisme est un élément du problème.

    Enfin tu as oubliés un « Aum » ou « Om », la syllabe sacrée des hindouistes, qui représente l’absolu impersonnel et éternel. Bref, on est loin de la finitude de la Maison, mais en même temps il y a quelque chose dans la ligne continue de la vie qui résonne au-delà de cette finitude et qui ne cessera pas de résonner quand la Maison sera dévastée et que la vie aura sombré dans la désolation. Hum, tout ca pour dire que ce « Om » fait partie de la bande son du film, qui comporte des passages intéressants et émouvants mais qui frôle parfois le pénible (le chant-cri vaguement oriental qui revient plusieurs fois). Dernière remarque sur la bande son du film: imaginez une seconde tout ce défilé d’images avec le bruit assourdissant des rotors de l’hélicopter ! L’effet serait quelque peu différent…

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