Leibniz aurait aimé le e-commerce de 2012

Internet est devenu un véritable bordel, c’est à dire le miroir du monde réel que nous connaissons.

On pourrait gloser sans fin sur les mouvements entropiques propres à tout système, à savoir que la « qualité » de l’information, avec le temps, est vouée à se dégrader.

Surtout, derrière la sensation d’une bouillie homogène, les inégalités se creusent. Des poches de pouvoirs se concentrent et agrègent, telles des planétoïdes au commencement des systèmes stellaires, toutes les poussières environnantes.

J’avais ici ironisé sur le fait que Google, avec son nouvel algorithme Panda, tendait paradoxalement à redistribuer les cartes, bref à avoir une démarche qu’un oeil furtif qualifierait d’équitable.

A remélanger la soupe pour casser les grumeaux. Une initiative a priori salutaire tant les requêtes tombaient toujours à peu près sur les mêmes sites.

Au royaume du e-commerce il y avait basiquement un seul type d’acteurs : la boutique en ligne.

Puis, pour se faire connaître, elle pouvait faire de la publicité, parfois même sous forme de « marque blanche » c’est à dire encapsulée dans un blog spécialisé ou un site d’infos reconnu.

Puis, naturellement, il y a eu les comparateurs de prix (ce qu’est eco-SAPIENS) qui, bien nommés, permettaient de comparer les produits parmi les boutiques en ligne.

Et il y a maintenant des places de marché, c’est à dire des gens qui ne vendent pas, qui ne réorientent pas vers les boutiques mais prennent les commandes pour les boutiques. Une sorte d’hybride donc entre une boutique et un comparateur. L’avantage, c’est qu’en rassemblant large, on offre à l’internaute un confort de navigation intéressant. L’inconvénient, c’est que cela rajoute un intermédiaire. L’internaute commande chez un brave monsieur qui fait transiter la commande chez une boutique et en cas de pépin, la boutique et l’acheteur ne se parlent pas (en général tout transite par la place de marché).

Or, tout dernièrement, je me suis posé cette question : que penser des boutiques qui font aussi place de marché ?

C’est le cas d’Amazon chez qui on peut aussi bien commander directement chez eux que chez les libraires (et maintenant tout type de vendeurs !) inscrits sur leur plate-forme.

C’est aussi le cas de la FNAC qui, à mon humble avis, se décrédibilise en proposant aussi une place de marché mêlée à son catalogue en ligne.

Homepage Amazon en 1995...

Et maintenant imaginons plus tordu… mais tout à fait plausible. Et si les places de marché intégraient parmi leurs partenaires aussi des places de marché. Les matrioshka, poupées gigognes pourraient ainsi s’emboîter à l’infini.

Je commanderai chez Amazon qui transmettra ma commande à la FNAC qui transmettra au vendeur professionnel ou n’importe quel particulier qui aura publié son offre sur leboncoin.fr e-bay et toutes les places de marché…

Leibniz aurait aimé voir dans cette terminologie du web reconnaître ces célèbres monades. Les monades sont à la fois des éléments de l’univers mais aussi elles contiennent l’univers en elle-même. En fait, à terme, peu importe le site internet que vous visiterez, il contiendra le web marchand à lui tout seul. Que vous entriez par une boutique, un comparateur ou une place de marché, vous pourrez toujours commander. Et il sera impossible de savoir au final, qui détenait véritablement et physiquement le produit. Une fenêtre sur le monde qui n’est lui même qu’une fenêtre sur lui-même.

Quand je vous disais que c’était le bordel…

Mais foin de cette conception holistique ! Chaussons d’autres lunettes philosophiques et passons en mode dialectique. Voici au final un e-commerce coupé en deux.

Ceux qui détiennent physiquement des produits. Des marchands.

Et ceux qui on pignon sur rue et s’occupent d’avoir le chaland. Des assis.

Immédiatement se pose la question de la durabilité de modèles économiques aussi complexes.

Quelque chose me dit qu’à terme, il faudra bien, encore une fois, rebattre les cartes. Mais qui pourra le faire ?

La Monade des monades ?

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