Nespresso, prison, décroissance. Une semaine parmi d’autres

6682_870c_500J’avais tout simplement envie de partager des réflexions liées à une semaine riche en rencontres.

Il s’agit de 3 contextes fort différents, les Champs-Elysées, la prison et un stand Alternatiba, qui m’ont perturbé pour différentes raisons et dans tout ce fatras, une leçon je cherche encore. Si vous l’avez je suis preneur.

Mercredi. Nespresso

Mercredi j’acceptais un déjeuner dans la boutique Nespresso des Champs-Elysées. J’ai déjà parlé de ma perplexité à propos de cette filiale de Nestlé, désormais engagée dans une communication sincère et factuelle sur sa contribution au recyclage et à l’agroforesterie.

J’acceptais d’abord par curiosité; on n’est pas invité tous les jours à déjeuner dans l’élégance des beaux quartiers de Paris. Aussi par envie de rencontres car aussi bien chez Nespresso que parmi les convives externes à l’entreprise, il y avait des parcours divers, complexe, paradoxaux parfois. Mais toujours intéressants et sincères.

A table inévitablement, on a parlé de la COP21, des opérations médiatiques signées Yann Arthus-Bertrand et Nicolas Hulot. Celui-ci venant de réaliser une vidéo virale à destination des jeunes. Celui-là venant de diffuser Human, prolongement du film-événement Home. Je gaffais en avouant que si je trouvais ses films esthétiquement réussis etque je mettais cela sur l’intelligence de YAB à savoir bien s’entourer… mais pas forcément sur son intelligence personnelle… (notamment au travers de quelques échanges privés avec lui suite à ce billet sur le Qatar et aussi suite à cette interview surréaliste).

Hélas, une de ses collaboratrices était présente. Et prit sa défense !

J’ai surtout pris plein d’infos auprès de ma voisine qui travailla chez eco-emballages et à qui j’avouais tout de go que dans notre guide « Les bons labels et les Truands« , nous avions classé leur label dans la catégorie « truands ». On n’était pas d’accord mais j’ose croire que l’échange fut constructif.

Samedi. Maison d’arrêt Bois d’Arcy

boisdarcy

Je suis ambassadeur négaWatt. Cela signifie que je suis « habilité » à présenter le scénario négaWatt auprès de structures en faisant la demande. Ce peut être des syndicats, des partis, des associations… Une association nommée Champ Libre, qui intervient en milieu carcéral,  a eu l’idée d’organiser un cycle de conférence sur l’énergie. C’est ainsi que je me suis retrouvé à accepter leur sollicitation pour présenter la démarche négaWatt à une dizaine de prisonniers.

Evidemment on peut se demander à quoi cela sert. Et je dois avouer que mes motivations relevaient plus de la curiosité que de l’altruisme.

Je peux témoigner que ce fut une de mes plus belles expériences. Je ne savais pas trop non plus à quoi m’attendre. Il y a ces choses bizarres quand on arrive : la vétusté du lieu, son architecture digne de Brazil, cette télécommande « emergency » au cas où il y ait un problème une fois enfermé avec les détenus…

prison-2Nous avons ri, discuté du sens de la vie, des projets une fois qu’on sort. Et aussis des anecdotes de leur précédent boulot.

L’un avait travaillé sur une centrale nucléaire, l’autre chez Air France, tous deux d’une érudition à couper le souffle ! Un autre entrait comme en résonance avec les chiffres et les démonstrations du scénario, répétant que cela confirmait son intuition de se lancer dans le photovoltaïque pour éviter que l’Afrique se fasse de nouveau piller…

A la bibliothèque de la maison d’arrêt, il y a désormais un livre qui explique qu’un autre monde « énergétique » est possible. C’est anecdotique mais cette image me réjouit.

Dimanche. Alternatiba

Né à Bayonne avec le formidable collectif basque Bizi ! les festivals Alternatiba ont redonné de la couleur à l’écologie de terrain. Déjà organisé dans plus de 80 villes, ce processus de mobilisation est un véritable succès… malheureusement sous-médiatisé. (Merci Reporterre et ArretSurImages d’être l’exception).

E. Coquelin
(c) E. Coquelin

Ce dimanche, je me suis baladé parmi les stands de l’Alternatiba 77. Et comme je vois un stand « Décroissance en Ile-de-France » je m’en vais joyeusement saluer des camarades de cœur et d’intellect. Il faut savoir que j’avais participé à la Marche pour la Décroissance en 2005 et que ce fut un moment exceptionnel à tout point de vue. Des rencontres inoubliables et un bagage philosophique pour toute une vie (Ellul, Gorz, Latouche, Gras, Jacquard…)

Je dis bonjour à un inconnu recroquevillé derrière sa table, cachée par une banderole de fortune. Il y a aussi une personne à qui j’avais proposé de me remplacer pour une conférence à Paris mais que je n’avais eu qu’au téléphone. J’étais content de voir en chair et en os quelques potentiels amis.

Douche froide !

Pas un merci à propos de cette passation de conférence. Mais des regards quasi-inquisiteurs. On me demande ce que je fais dans la vie. J’explique sobrement les rouages techniques et commerciaux de la coopérative eco-sapiens. Que n’ai-je pas fait !

« Alors vous faites du marketing ! » me dit-on d’un ton sarcastique.

Et comme je sais le décroissant taquin et titilleur, je réponds plutôt amusé, disant simplement qu’il doit méconnaître la définition du marketing.

demande en mariage

« Et bien des entreprises vous paient pour que vous vendiez leurs produits ! dit-il triomphalement.

– Mais monsieur, lui réponds-je, je viens de d’acheter un livre sur votre stand. Ce livre, vous ne l’avez ni écrit ni publié. La maison d’éditions vous paie pour que vous le vendiez. Diriez-vous que vous faîtes du marketing ? »

« Moi c’est différent; je l’ai acheté et je le revends c’est du commerce. »

Je continue ma méthode socratique.

« Acheter les livres pour les revendre ou bien les vendre sans les acheter pour ensuite rétribuer le fournisseur, pour moi, cela ne fait pas de différence sinon la trésorerie. Imaginez que vous me disiez que vous êtes en rupture du livre mais que je vous l’achète malgré tout, cela reviendrait au même qu’à faire du eco-SAPIENS. »

Je lui expose alors selon moi les définitions suivantes :

  • commercial : vendre des choses à quelqu’un qui le demande.
  • publicité : être payé pour parler de choses dont on ne parlerait pas… si l’on était pas payé pour !
  • marketing : tenter de vendre des choses sans considérer l’intérêt du client.

Définitions aux frontières ténues mais qui me permettent de lui expliquer que, comme lui, je suis rémunéré par des gens dont je partage les valeurs et les idées. Ce qui n’est pas de la publicité.  Et que je réponds à une demande de clients (les internautes arrivant sur eco-SAPIENS par les moteurs de recherche) ce qui n’est pas du marketing.

J’essaie donc de lui faire comprendre que je fais du commerce, autant que lui. Mais que si ca lui fait plaisir, il peut appeler cela marketing…

tricot love

Là le type bafouille en disant « Oh mais vous savez, moi, je ne suis pas contre la publicité, j’ai bien une banderole sur ce stand ».

Je pouvais repartir tout heureux qu’un persifleur décroissant me dise « qu’il n’est pas contre la publicité » (alors que moi je suis viscéralement contre ! ce qui est une prouesse quand on vit du web…)

Puis son comparse m’interpelle sur mon étiquette « négaWatt « .

« Moi je n’aime pas ce scénario car il n’est pas anti-nucléaire !

– Est-ce à dire qu’il est pro-nucléaire ? » lui demandé-je alors, déjà lassé par la tournure qu’augurait une telle apostrophe.

J’ai vainement essayé de lui faire comprendre que l’on vivait dans un monde hélas bien réel et qu’on n’allait pas d’un claquement de doigt générer 40% de sobriété, ce à quoi nous pouvons tous aspirer en principe, mais ce pour quoi on aimerait connaître les modalités pratiques.

Agir local penser global…

Bref, je me faisais une joie de partager un moment avec quelques inconnus à qui je pourrai parler secrètement de l’excellent dernier numéro du journal La Décroissance, un mensuel qui stimule les neurones avec talent. Et qui en plus dans son dernier portrait interview Youcef de Marseille, avec qui on déjeunait entre deux réparations de vélos !

Que nenni. J’ai affronté des caricatures qui se complaisaient dans le titillement inutile, cherchant la petite bête à tous ceux qui passent, même à leurs pires amis.

Moralité

Echanger avec des décroissants pénibles, des prisonniers enthousiastes et avec des dirigeants de Nespresso exaltés… J’ignore tout à fait ce qu’il faut retenir de ce morceau de journal intime.

Une déception bien sûr d’être incompris par des personnes que l’on pensait complices.

L’hébétude d’être compris par des personnes que l’on pensait adverses.

Et une joie de vivre lors de ce passage par la case « prison », du bon côté des barreaux.

Parce qu’à la manière de cette énergie sombre cachée dans l’Univers, j’en suis désormais persuadé. Il y a des humains incroyables par-ci par-là mais qui trop longtemps ont vécu « cachés ». Et qui n’attendent qu’à sortir de l’ombre…

3 réflexions au sujet de “Nespresso, prison, décroissance. Une semaine parmi d’autres”

  1. Merci !
    Je découvre le site (tombée dessus par hasard…), à mon avis c’est un peu le b***el dans le défilement des articles (est-ce mon obsolète version de Mozilla qui flanche ?), mais c’est vraiment intéressant.
    Je mets dans mes signets, je reviendrai un peu plus tard. 😉
    PS : j’ai pas trouvé de page d’accueil, c’est normal? 😀

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