Pensez au tri… mais pas trop quand même

Devinette : quel est le point commun entre « tri sélectif » et « développement durable » ?

Eh non vous n’y êtes pas ! Ce sont deux expressions pratiques pour retenir deux figures de style parmi la centaine,aux noms barbares, que nous avons tous un jour péniblement essayé de retenir dans le Gradus des procédés littéraires…

Oxymore : figure consistant à réunir deux termes contradictoires. Par exemple « développement durable »
Pléonasme : figure où deux termes expriment la même chose. Par exemple « tri sélectif »

Quand on aborde la question du tri, et donc du recyclage qui en est la finalité, on navigue en eaux troubles à plus d’un titre.

D’abord parce que l’on confond, sciemment parfois, recyclable et recyclé.
En réalité, presque tout est recyclable… pour peu que l’on y mette les moyens.
Mais en réalité, peu de choses au final sont recyclées.

Autre élément troublant, nos rencontres visuelles et quotidiennes avec ce pictogramme que tout le monde croit connaître. Le « Point Vert » est hélas encore associé pour le commun des consommateurs à la recyclabilité de l’emballage. Le lecteur averti, surtout s’il a eu entre les mains Les bons labels et les truands, sait bien que ce logo n’est qu’une obligation légale. Pour tout emballage, vos marques cotisent à un organisme mandaté par l’Etat au nom captieux : eco-emballages.

Nous sommes durs ?

Cela fait des décennies que cette entreprise est chargée de favoriser le tri et indirectement la réduction des déchets. Mais il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la réduction des emballages signifierait mécaniquement la baisse des revenus pour eco-emballages…

Des associations comme le CNIID ont souvent demandé en vain à changer l’apparence du pictogramme trompeur.

En 2008 on apprend que l’entreprise plaçait dans des paradis fiscaux (communiqués de presse difficilement retrouvables en ligne et « oubliés » sur la fiche Wikipedia)

Récemment encore, elle publiait un appel d’offre pour l’amélioration de la valorisation l’incinération qui est l’opposé des actions réduction/recyclage :

Pour la part des emballages plastiques qui ne sont pas techniquement recyclables, Eco-Emballages lance aujourd’hui un troisième appel à projets sur les possibilités de valorisation complémentaires, énergétiques et éventuellement chimiques.

pot-a-trier-ou-pasAujourd’hui, la schizophrénie fait un pas de plus. eco-emballages brouille encore plus le message si cela était encore possible. Regardez donc l’image.

Voici l’opercule d’un pot de yaourt. Déjà, les yaourts, ca n’a jamais été clair. Poubelle jaune ou pas ?

En gros et collé au point vert il est écrit « PENSEZ AU TRI ! ».

Et à côté une indication comprenne-qui-veuille : « opercule papier et pot plastique [dessin de sac poubelle] A JETER »

Franchement, qui peut comprendre quoi ?

En tout petit et en clair vous avez une dernière ligne « consigne pouvant varier localement www.consignesdetri.fr »

Donc je dois penser au tri. Mais ce yaourt ne se trie pas. Mais si je veux savoir si localement il se trie, je vais sur un site internet où il me faut flashplayer et beaucoup de patience.

Permettez que nous recourions désormais à l’anaphore :

Nous connaissions le mangerbouger sur les barres chocolatées,
Nous connaissions l’abus d’alcool est dangereux sur la picole,
Nous connaissions le fumer tue sur les cigarettes,
Nous connaissions l’énergie est notre avenir/économisons là sur les publicités Total… (cf ce billet)

Nous connaissons désormais le dernier de la lignée : pensez au tri sur les emballages qui ne vont pas au tri !

Suffisait d’y penser.

C’était certainement pour mettre à l’honneur cette autre figure de style : l’antiphrase !

5 réflexions au sujet de “Pensez au tri… mais pas trop quand même”

  1. Puisque nous sommes dans les leçons de grammaire : trier veut dire séparer en plusieurs groupes. L’un allant dans la poubelle de recyclage (mention « à recycler ») l’autre allant dans les ordures ménagères (mention « à jeter »). Donc si je jette mon pot de yaourt non recyclable dans les ordures ménagères, je trie. Et si je jette ma bouteille en plastique dans le bac de recyclage, je trie aussi. Hé oui.

    Je trouve plutôt bien d’associer le point vert à une consigne de tri d’emballage : cela montre que le point vert se rapporte à l’emballage, qu’il ne signifie pas toujours « recyclable », ce que penseraient beaucoup de gens, semble t-il, et il permet d’attirer l’oeil vers un marquage harmonisé.

    Et ce marquage donne l’info au citoyen sur des emballages pour lequel il avait des doutes (Aaaah le pot de yaourt…) : en cela, cela va au-delà des projets du grenelle, qui voulait un marquage harmonisé, qui n’aboutit dans la pratique qu’à un logo de plus, pour les produits recyclables uniquement qui sont déjà bien identifiés dans l’esprit du citoyen, et le renvoyant pour trouver la vraie consigne de tri… à quoi en fait? le local poubelle? le site internet de la commune? ailleurs?

    Quant aux « consignes pouvant varier localement », si les communes ne faisaient pas des choix différents, ce serait plus simple.

    En gros :
    – le Grenelle prévoit un logo qui ne s’appliquerait pas au pot de yaourt, ne nous félicitons pas de l’initiative qui va plus loin
    – nous aurons bientôt un nouveau logo pour les produits recyclables qui ne donne aucune consigne de tri, ne nous félicitons pas d’une initiative qui va au-delà de la loi
    – le point vert était source de confusion dans l’esprit des gens, ne nous félicitons pas d’une initiative qui permet de lever le doute
    – les communes font des choix d’organisation rendant impossible une communication harmonisée nationale, ne nous en félicitons pas qu’un organisme national essaie de faire un effort de communication malgré tout

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  2. @ Haas : vous (enfin, votre commune). La revente des matériaux leur/vous a rapporté 218 M€ l’année dernière, qui ont permis d’alléger votre taxe d’ordure ménagère. Mais malgré tout, collecter et trier vos déchets, ça coûte toujours de l’argent.

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  3. Bonjour,

    J’écris juste pour vous féliciter pour cet article très bien rédigé. Même si ce texte date de plusieurs années, les informations qu’il contient restent intéressantes. J’espère que vous écrirez d’autres articles de ce genre dans un avenir proche !

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