Retro: en regardant Cousteau

Un ami m’a conseillé « Le Monde du Silence » , palme d’Or du festival de Cannes en 1955. Il m’avait prévenu: aujourd’hui ce genre de documentaire ne passerait pas. Pour cause, on y voit pêle-mêle lynchage de requins, sadisme envers certains poissons, humiliation des tortues géantes. L’écologie (et le reportage animalier) a bien changé.

Loin de moi l’idée de condamner « Le Monde du Silence » . Je cherche plutôt à interroger l’évolution de la cause écologiste. Le commandant Cousteau fait figure de pionnier médiatique de l’écologie et la Calypso a grandement contribué à mieux connaître le monde sous-marin.

diodon crevé par un crochetPour ceux qui ne connaissent pas ce « docu-fiction » signé Louis Malle (alors étudiant en cinéma, 23 ans seulement !) avec pour acteurs… l’équipage de la Calypso, précipitez vous pour l’emprunter. Les images restent toujours époustouflantes (découverte d’une épave, dauphins sauvages, prototypes pour la plongée sous-marine etc.) même si la pellicule a vieilli.

Vous devriez néanmoins être surpris par certaines scènes.

  1. Crevons Diodon
    Le recensement à la dynamite, en direct s’il vous plaît.
    On apprend que c’est interdit en pêche mais admis pour la recherche… bien que 1 poisson sur 10 seulement flottera en surface. Qu’à cela ne tienne, on récupère sous nos yeux les survivants. Et l’on démontre que « face à la dynamite, le diodon – poisson porc-epic – ne résiste pas » . On le voit alors agoniser une fois l’avoir crevé pour le vider de son eau…
  2. Pas de table, pas de chaise, mais des tortues
    L’équipage arrive sur une île déserte avec juste des tortues géantes. Les hommes s’amusent à les monter et l’on devine que ca ne fait pas rire ces « monstres préhistoriques » …
    Et la pause déjeuner s’effectue en réquisitionnant quelques specimens pour servir de table et de tabouret !
  3. Le massacre des requins
    On commence avec un incident. Un bébé cachalot s’est pris une hélice du bateau et la blessure est si profonde que les hommes décident de l’achever d’une balle dans la tête. Auparavant, un des marins avait tenté d’harponner un plus gros cétacé.
    Alors les requins (« ennemis jurés de tous les marins » ) arrivent en nombre pour grignoter le petit cachalot. Les hommes décident alors de se défouler (il n’y a pas d’autre mot, l’acte est gratuit) et d’en frapper quelques uns sur le pont à coup de massue et de hache. Un carnage assez énigmatique.

tortue pique nique

La cause est entendue, ce genre d’images susciterait aujourd’hui de nombreuses plaintes. Certes, il y a 50 ans, on ne parlait pas d’extinction des espèces, de menaces sur la biodiversité. Mais cette attitude anthropocratique, cautionnée par un océanographe de renom, n’est-elle pas annonciatrice de la crise environnementale majeure ?

La nature est perçue comme un stock de ressources où l’homme peut se servir à sa guise. Rira-t-on dans 20 ans des écologistes médiatisés qui nous font découvrir les merveilles a coup d’hélicoptères (mêmes compensés par des plantations d’arbres) ? Peut-on s’émerveiller simplement sans avoir recours au spectacle qui, peut-être, pervertit la cause écologiste ?

A découvrir de toute façon !

Le crevage de Diodon est à la 20 ème minute.

6 réflexions au sujet de “Retro: en regardant Cousteau”

  1. Le film avait eu lieu en 1955, nous sommes en 2009. Cinquante-quatre ans séparent ces scènes de nos jours. Autre temps, autres moeurs, les gens étaient encore dans l’ignorance à l’époque, la France était très rurale, et la bio-diversité n’était pas encore l’objet de toutes les attentions; en outre, les méthodes scientifiques ont elles-ausi changées.

    JYC lui aussi a changé, je pense que professionnelllement, ce fut sa seule erreure et qu’il ne l’a plus jamais reproduite (défoulment inutile sur des requins, se servir de tortue comme tabouret, dynamitage pour comptabiliser les poissons); Nous idéalisons souvent des hommes comme lui, en oubliant ce qu’ils sont : des hommes. Si cela a été fait à cette époque, je parierai volontier que 40 ans plus tard, sa vision était différente de celle du film. Le reportage sur les requins dormeur du Yucatan, par exemple, où personne ne s’attaquent aux requins qui dorment et qui se réveillent. Je pense qu’il a beaucoup changé depuis et qu’il est mort avec une vision différente du monde que celle qu’il avait en 1955. Toujours est-il que JYC a beaucoup contribué pour la sauvegarde des Océans, des rivières, des lacs, des mangroves, et c….et aussi en général pour l’environnement.

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  2. P.S : un autre exemple, c’est la création de l’Alcyone, le seul bateau équipé de Turbovoile afin d’éviter la pollution générée par les cheminées.

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  3. soyons solidaire signons une petition pour soutenir les bonnets rouges bretons, toutes les régions devraient se mobiliser contre l’écotaxe et l’écologie punitive. cordialement

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