Saupiquet ! Au piquet !

Récemment, une journaliste télé a appelé pour avoir notre avis sur la labellisation et notamment elle voulait du croustillant, à savoir un bon gros label qui tâche.

Ce que dans notre classement « Les bons labels et les truands » nous rangeons dans l’étiquette « Truands » car nous sommes des mordus de jeu de mots. Suffit de voir le titre de cet article…

Force est de reconnaître que je n’ai pas pu lui en citer beaucoup. Sur le site, nous en avons recensé cinq mais il faudrait passer des journées dans les magasins et les magazines pour être exhaustif.

 

  • Le Point Vert (propriété d’eco-Emballages) qui par son aspect laisse croire que le produit est recyclable alors que c’est une obligation légale de cotisation.
  • Le Tidy Man qui est un mystère entier d’inutilité.

Puis les visuels auto-décernées par les marques :

  • ecolochic de Renault
  • Emballage Nature de Tetra Pack
  • Conso Responsable décerné par les hypermarchés E.Leclerc

C’est volontairement que nous n’avons pas recensé tout ce qui est « Saveur de l’année » , « élu produit de l’année » et d’autres appellations farfelues, considérant peut-être à tort que ce genre d’appellations n’étaient pas de notre ressort. Ces visuels ne relèvent que du marketing pur et n’ont aucune prétention à aller sur le terrain environnemental et social qui nous intéresse sur eco-SAPIENS.

« Or, out dernièrement, m’étant trouvé sur le point de faire le dernier couac » , je suis tombé sur une boîte de thon en tête de gondole dans des circonstances qu’il vous faudra imaginer.

Je n’avais jamais vu ce logo et parfois l’intuition ne ment pas, celui-ci n’avait pas une bonne gueule.

Une planète, du vert, du bleu et deux mots : qualité responsable.

Suspicieux, j’ai cherché partout sur la conserve des précisions pour en avoir le coeur net. Comment ce thon répond-il à une exigence de qualité responsable ?

Hélas, rien.

Pour en avoir le coeur net, il faut aller sur Internet. Si vous tapez « Qualité Responsable » vous aurez des offres d’emploi en responsable qualité. Argh !

Affinons notre recherche avec « poisson » et zou voici enfin un lien… vers Saupiquet.

Les doutes se confirment… nous sommes bel et bien en présence d’un « label auto-déclaré« , une variété de label qui ne sent jamais très bon.

En général, quand vous êtes un industriel, vous cherchez d’abord un label officiel: quand vous comprenez que ce sera trop de contraintes ou que vous ne l’aurez pas, vous avez deux possibilités :

1) Trouver une association prête à « certifier » une bonne démarche moyennant finances. C’est un peu le cas de Rainforest Alliance qui certifie de vagues critères pour Jacques Vabre, Lipton, Nespresso. Nous sommes peut-être sévère avec le label à la grenouille mais même l’ADEME le dit (à condition de savoir lire entre les lignes). En effet, dans leur dernier guide des labels, il est indiqué sans rire concernant Rainforest :

« interdiction d’utiliser des pesticides non autorisés » .

On sait jamais. Desfois qu’il serait autorisé de faire des choses interdites…

2) L’autre solution donc, si on ne peut avoir le tampon d’une grenouille ou d’un panda, est de fabriquer soi-même un logo. Un peu de bleu, un peu de vert, une planète et quelques mots qui vont bien. Le label Conso Responsable de Leclerc n’est en cela pas plus innovant que le label créé par Saupiquet pour des produits Saupiquet.

En parcourant le site dédié, vous aurez une belle photo de pêcheur et tout le jargon propre au service développement durable : axes de progrès, 360°, respect des hommes etc… et bien entendu « respect de l’environnement avec comme visuel » des bras qui enlacent un arbre. Bienvenue au pays des clichés.

Ne prenons qu’un seul des 7 axes mentionnés et discutons-en pour voir les limites.

Personnellement, en tant que consommateur de poissons, ce qui me préoccupe le plus c’est la technique et le lieu de pêche. Est-il pêché sans bycatch (prises accidentelles) et pas trop loin.

Déjà ca part mal car on me dit que Saupiquet est contre la pêche illégale et n’achète donc pas de poissons à bateaux listés par l’union européenne. Saupiquet respecte la loi… Incroyable !

Dans le même genre, Saupiquet est contre le transbordement (entendez le fait de ne plus pouvoir faire le suivi du poisson pêché). Là aussi on se vante d’avoir des pratiques normales et non suspectes.

Puis on parle de système de surveillance de navires ce qui semble paradoxal puisque le premier point laissait entendre que Saupiquet « achetait » du poisson et donc ne contrôle pas tout à fait sa flotte de pêche.

Et enfin, Saupiquet indique adhérer aux commissions internationales statuant sur le thon et donc à respecter leurs recommandations (quotas, formats de déclaration…)

Moi personnellement, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi sur la conserve il est écrit « Origine: Côte d’Ivoire« . Je pensais naïvement que des pêcheurs partaient le matin à l’aube. Malgré tous les efforts louables du pêcheur industriel, tout son discours me rappelle qu’il ne s’agit au final que d’améliorer la traçabilité d’une pratique… qui reste industrielle.

Soyons fair-play, bientôt une marque ivoirienne viendra expliquer avec transparence comment elle pêche des poissons au large de Quimper.

 

5 réflexions au sujet de “Saupiquet ! Au piquet !”

  1. Tiens, c’est marrant, je croyais que tout allait mieux maintenant dans la communication responsable ? Que les cas les plus flagrants de greenwashing étaient en diminution ? Que les annonceurs et les agences étaient montées en compétence, et qu’on ne les y reprendrait plus ?

    C’est raté ! Voilà un exemple classique de manipulation… dans le genre auto-label, on ne fait pas mieux. Truand, à n’en pas douter. Cela sert-il encore de se revendiquer d’un label, fût-il sur la liste des bons labels d’Eco-Sapiens ?

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  2. @ Yonnel : Si les entreprises obtenant un « bon » label ne communiquent pas à son sujet, comment faire la différence entre un produit respectueux de l’environnement et une opération de greenwashing ?

    Evitons d’entonner le « tous pourris », et continuons d’être vigilant pour séparer le bon grain de l’ivraie.

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  3. @Philippe Dorsemond Réponse à votre question (désolé pour la lenteur de réaction !) : parce qu’à force d’opérations de greenwashing, c’est le principe même de la labellisation qui a pris du plomb dans l’aile. Même un bon label est a priori suspect.

    Je ne crie pas au « tous pourris », du tout ! Juste que quand on a une démarche sincère, on a tous les éléments pour communiquer sur cette démarche, sans devoir passer par un label. Vous avez raison, continuons à être vigilants… et à militer pour une réelle régulation publicitaire.

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