Severn bien plus belle en vrai que dans son film

Ca sort le 10 Novembre et le casting est savamment choisi : du Nicolas Hulot, du Pierre Rabhi, du Seralini… Et même des inconnus qu’on est heureux de voir sur grand écran (Wartena de Terre de liens, Guy Kastler de Nature & Progrès etc).

Tous gravitant autour du même astre : Severn Cullis-Suzuki. Cette Canadienne qui avait tenu un discours percutant au sommet de la Terre en 1992. Elle avait alors 12 ans et en revoyant ces images, on est toujours saisi par le charisme et la pertinence de cet enfant.

Les enfants justement ! Le réalisateur Jean-Paul Jaud (oui oui, celui du foot sur Canal plus…) avait entamé une carrière de cinéaste avec le film « Nos enfants nous accuseront ». Avoir dans son camp, un aussi habile technicien de l’image, on ne va pas s’en plaindre. Ce film c’est un peu : la voix de nos enfants qui nous accuseront »…

Malheureusement, il me faut faire quelque chose d’absolument nul. Dire que je n’ai pas aimé Severn.

Que l’on se rassure, je trouve que l’idée du film est bonne, d’autant que la vraie Severn parle d’une manière douce, franche, limpide et déterminée. Je crois que dès qu’elle parle, je ne peux que acquiescer. Il y a quelque chose de troublant à l’entendre répéter mot pour mot, 18 ans plus tard, le même discours où rien n’a changé.

Les propos d’une enfant précoce deviennent les propos d’une jeune femme lucide. Lucide mais tout de même déçue de constater que l’utopie ai davantage reculé.

Mais un fil rouge ne suffit pas et il faut autour broder. Or, selon moi, la dentelle ne tient pas et j’ai vu un film plutôt décousu.

Pêle-mêle.

On démarre au Canada donc, retrouver Severn qui attend un bébé. A la fin du film, nous la retrouverons après la naissance. Entre temps, on fait des allers-retours pour aborder différentes thématiques, surtout l’agriculture bio.

On rencontre par exemple ce Japonais qui cultive une rizière sans intrants chimiques et où barbotent des canards. De vieilles Japonaises transmettent leur savoir potager à des écoliers. On apprendra que le peu de compléments alimentaires qu’elles utilisent proviennent de Chine et contiennent des traces d’OGM.

Volonté de transparence du réalisateur àOn ne sait.

On retrouve le maire de Barjac, déjà à l’honneur du premier opus. Il peine à trouver des agriculteurs bio et locaux. Ca tombe bien, le voici qui déjeune sur une table improvisée en plein champ avec, entre autres, le responsable de Terre de Liens. Une foncière, soutenue par La Nef, qui aide les jeunes agriculteurs à s’installer. Mais les discussions improvisées autour de cette table sonnent faux. On croirait des discours aussi naturels que ceux d’Eric Rohmer.

On rencontre aussi deux agriculteurs conventionnels qui ont subi des intoxications sévères à cause des pesticides. L’un a attaqué et fait reconnaître l’empoisonnement comme maladie du travail. On le voit plusieurs fois dire qu’il s’apprête à passer en bio. Heureusement pour lui, les deux agriculteurs bio de la même région sont compréhensifs avec cette reconversion qui se fait attendre. Volonté de montrer la difficulté à passer à l’acte àOn ne sait.

Il y a cette fille, Ondine, 14 ans, qui est là pour montrer qu’une nouvelle Severn a peut-être été découverte… Elle entretient un skyblog sur les requins et on la voit faire une intervention sur les squales auprès de jeunes élèves. On la revoit avec le télécologiste Nicolas Hulot qui l’encourage. Il est sympa Nicolas Hulot.

D’ailleurs, on le retrouve aussi avec Pierre Rabhi pour échanger 6 phrases censées se compléter et percuter. Peine perdue. Après avoir dit que le grand prix de formule 1 à Flins n’était pas une bonne idée, il caresse la tête de Pierre Rabhi qui a l’air penaud devant tant d’intrusion tactile…

On voit aussi quelques individus pique-niquer au bord de l’eau, en face d’une centrale nucléaire. On n’apprendra rien sinon que la fresque géante peinte sur le réacteur, c’est pas très sérieux. Je crois que c’est le moment le plus incongru du film.

On part aussi écouter des polyphonies en Corse (perso j’adore !). Un père et ses deux fils font du vin bio tout en s’inscrivant dans le traditionalisme corse.

Alors oui, on aborde, ou plutôt on survole, chaque thématique: la bio, les pesticides, l’alimentation, le nucléaire, la déforestation etc. Bref, c’est un film écologiste avec plein de qualités. Qualité de l’image surtout. Qualité de la musique (Japon, Corse, piano de Gabriel Yared). Qualité du discours initial (encore merci Severn Suzuki !).

Mais on a l’impression que Jean-Paul Jaud a constitué un patchwork où ne manque qu’un raton-laveur pour vraiment trouver une cohérence à cet enchevêtrement de rencontres aux discussions molletonnées.

Les aficionados n’apprendront rien. Les novices repartiront avec quelques belles images, un sentiment de sérénité et peut-être quelques pistes concrètes.

On me dira « c’est toujours ca » .
A quoi je réponds : « c’est déjà ca ! » .

Bande-annonce du film

Plus sérieusement, il y a aujourd’hui une impressionnante filmographie autour des questions écologiques. On sait tout le bien que j’ai pensé du film de Coline Serreau (pourtant fou-fou). Mais bien avant, il y avait ces documentaires plus incisifs (j’aime quand on me montre les méchants !) comme We Feed the World ou Notre Pain Quotidien.

Personnellement, je trouve que le meilleur, c’est encore l’Île au Fleurs, film brésilien de 12 minutes réalisé en 89 !

5 réflexions au sujet de “Severn bien plus belle en vrai que dans son film”

  1. Merci pour cette critique constructive. Je conduirais nos lecteurs jusqu´ici 😉
    Par contre, le titre n´es jamais donné en entier. Il s´agit de « Severn, la voix de nos enfants ». Si les gens veulent trouver d´autres critiques, voilà une bonne indication me semble t´il.

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  2. Pour avoir vu le film aussi, je suis entièrement d’accord avec toi Baptiste, j’ai été déçue et je trouve ça très décousu! Mais ceux qui sont moins convaincus aiment beaucoup paraît-il, notamment les canards:-) Donc bon, c’est déjà ça oui:-)

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  3. Je partage largement votre point de vue… auquel j’ajouterais que le film souffre à mon sens de longueurs qui finissent par être pesantes.

    Ce n’est pas parce qu’un film est écolo est défend la bonne cause qu’il faut obligatoirement adhérer!
    😉

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  4. Film vu ce soir…Je n’ai pas pu rester jusqu’au bout…
    Trop de clichés, manque de rythme. On n’y apprend rien
    (sauf l’incidence des canards dans les rizières) et le réalisateur enfonce des portes ouvertes…
    Film décousu où les conversations de marché ou au milieu d’un champ ne convainquent personne.
    Quelques belles images sur les beaux légumes du bon jardinier bio. Bref…Pas le genre de film qui va faire naître une fibre écologiste à mon beau-frère… Dommage…

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