Le poète Paul Eluard aurait écrit quelque part « Il y a un autre monde… mais il est dans ce monde« . A moins que ce ne soit William Butler Yeats.
Quoiqu’il en soit j’ai toujours aimé cette formulation qui résout le dilemme de l’utopiste. Terme-quolibet qui est de mise quand on se trouve face à un résigné … qui lui-même se qualifiera de réaliste !
Parmi une foultitude de remarques audacieuses dans Homo Deus de Yuval Noah Harari il y a celle-ci à propos des prédictions qui ne se réalisent pas. Non pas car elles sont délirantes mais au contraire très probables et plutôt effrayantes. Et permet conséquemment de s’en écarter*.
Là encore, on voit bien que la frontière entre l’idéaliste et le réaliste n’est qu’une convention. Cela marche également pour le passé. Tant de vestiges archéologiques tout bonnement inconcevables et qu’il nous faut pourtant bien constater. Là sous nos yeux incrédules des blocs monumentaux, des tracés vertigineux, des objets anachroniques…)
Et voilà que je reviens des universités négaWatt. A la différence du club de Rome qui publia son fameux rapport en 1976, l’association négaWatt propose un chemin vers le futur. Un futur désirable (bien plus que celui d’Harari…) soucieux de concilier impératif écologique (CO2, fossiles, fissiles…) et confort humain. Une sobriété est inévitable (se déplacer un peu moins, manger moins de viande, sus au gaspillage…). Et le reste est une question d’optimisation technique et sociétale.
J’y ai découvert concrètement ce qu’était un économe de flux. A savoir un bonhomme chargé au sein d’une collectivité (mais ca pourrait marcher pour une entreprise, un hopital…) de réduire la conso et de faire baisser la facture. Des baisses de 8 à 15% sont immédiatement trouvables. A Montpellier, c’est 2 millions d’euros économisés chaque année… Juste en surveillant les gaspillages d’eau, d’électricité, de carburant etc.
Ca laisse rêveur… Mais c’est la réalité.
Direction la Drôme.
Dans le village voisin de Dieulefit (ça ne s’invente pas !) on va fêter le premier anniversaire du LowCal, un ouvrage conçu par Enertech qui est un peu la référence en bâtiment performant. Le résultat est au-delà des attentes.
Sans chauffage, sans climatisation, construit en paille et ossature bois, il bat tous les records. 35 postes de travail pour 620 m2 utile et une conso électrique de 5,9 kWh/m2 sur l’année. Pourtant l’hiver fut rude et la moitié de cette consommation dérisoire est due à un appoint de chauffage électrique… qui est pourtant la bête noire de tout physicien !
La toiture photovoltaïque de 153 m2 a produit 9 fois plus que cette consommation. Et le tout à un prix abordable avec une faible énergie grise (matériaux naturels et locaux). Bref, un truc complètement délirant… qu’il suffit de visiter à quelques heures de Lyon…
Autant dire que lorsque l’on revient des universités negaWatt on a un peu les yeux qui brillent. On retrouve les contrariétés du quotidien assez vite.
Par exemple toujours cette lecture en cours de Homo Deus qui fait mal tant il force à poser les bonnes questions sur ce que veut l’homme. L’immortalité ? Le bonheur sans conditions ? L’omnipotence ?
Les trois.
Et hélas, il y a fort à parier que cet avenir teinté de robots, de cyborgs et d’artefacts rendra toute cette beauté sus-mentionnée dérisoire.
Et il y a aussi cette contrariété tellement banale. Ouvrir la porte de son bureau le lundi matin au retour. Surprendre son collègue avec un mini-chauffage bruyant, olfactif et énergivore. Lui faire remarquer qu’en cette journée d’octobre, il fait près de 21°. Qu’on a pas connu cela, pas même en 1921, qui fut une longue sécheresse d’ailleurs à l’origine de la grande famine soviétique. Le changement climatique. Lentement mais sûrement.
Comme la grenouille dans l’eau qui subrepticement chauffe, chauffe, chauffe.
Et se faire nonchalamment rembarrer… « Je fais ce que je veux ! »
C’est un mauvais rêve ? Non c’est la réalité.
* « Les historiens n’étudient pas l’histoire pour la répéter mais pour s’en libérer. »
Il s’agit d’un passage assez amusant à propos des pelouses ! En résumé, ce culte de la pelouse domestique que l’on retrouve en Occident (mais désormais aussi dans les pays désertiques du Golfe…) remonte aux signes de prestige des rois et ducs de France. Une fois que l’on connaît l’histoire des pelouses, on est aussitôt pris d’envie de basarder sa tondeuse et de tout laisser pousser !