Veja écoloclaste

bleu-projectA rebours…

C’est le titre d’un roman de J.K. Huysmans certes. Mais c’est surtout la nouvelle posture de la marque Veja.

Veja, rappelons-le, fabrique des baskets au Brésil avec du coton bio et du caoutchouc « écologique », le tout dans une démarche équitable.

Veja, enfin, ca signifie « regarde » dans la langue de Brésil. La nouveauté, c’est qu‘à rebours de tout le monde, Veja a décidé aussi de montrer à voir… ce qui ne va pas chez eux.

Sous la bannière de la transparence, la marque nous affirme spartiatement:

  • Les lacets ne sont pas en coton biologique, faute de volume. Veja ne fabrique qu’une faible quantité de baskets, et donc n’utilise pas « assez »de lacets.
  • La mousse pour maintenir la cheville est un produit synthétique à base de pétrole.
  • La semelle extérieure des baskets Veja contient entre 30 et 40% de caoutchouc sauvage.
    La semelle intérieure en contient 5%. Pour donner toutes ses propriétés techniques à une semelle (souplesse, résistance, confort), il faut encore utiliser différents composants dont du caoutchouc synthétique.
  • Les œillets ne contiennent pas de nickel mais sont en métal, dont l’origine n’est pas contrôlée.
  • Le recyclage des baskets n’a pas été mis en place.
  • Le transport pour livrer les clients asiatiques et américains s’effectue en avion.
  • Veja fait fabriquer ses baskets et accessoires au Brésil, là où sont cultivés le coton et le caoutchouc, à plus de 8 000 km de ses clients.
  • Les baskets sont un objet de sur-consommation. Veja ne cesse d’améliorer la qualité de ses produits et d’augmenter leur durée de vie.

Etc etc.

A mon sens, il ne s’agit pas de faire de l’auto-flagellation mais de rappeler une évidence toute simple: au royaume de la publicité et du développement durable, on ne parle jamais de ce qui ne va pas. Et c’est vrai que bizarrement, vous verrez toujours les pires pollueurs expliquer comment ils font des progrès, comment ils s’améliorent et comment le soleil brille sur cet avenir plein de promesses sucrées…

Exemple pris au hasard, McDo qui nous offre un beau palmarès de gentils oiseaux. Avec de tels titres de billets (agir ensemble pour le climat) et de tels sites internets (coopérons pour l’environnement) on crie bien sûr au greenwashing.

Sauf pour les indécrottables optimistes qui diront que c’est encourageant, que c’est mieux que rien.

scotomeIl y a un point aveugle dans l’oeil qui s’appelle le scotome. C’est le fond de la rétine, dénué de photorécepteurs. Eh bien avec la communication développement durable, on est en plein dans le scotome. McDo ne dit pas ce qui ne va pas. Les poulets en batterie, les pommes de terre arrosées de pesticides, l’industrie de la viande (cf Bidoche), le climat social etc.

Je lis dans un billet récent du blog environnement de McDo France que désormais tous les « restaurants » sont fournis en électricté verte.

A compter de janvier 2010, 100% de nos restaurants couvriront 100% de leurs consommations avec de l’électricité d’origine renouvelable. Pour ce faire nous avons bien étudié le marché français actuel et choisi de travailler avec la société Green Access qui représente des petits producteurs et à qui nous allons acheter des certificats verts. Celle-ci nous assure qu’une quantité de kilowattheures d’origine renouvelable équivalente à la consommation de nos restaurants est injectée sur le réseau électrique. L’achat d’électricité d’origine renouvelable est un bon moyen d’encourager le développement des systèmes de production d’électricité renouvelable sur le territoire français

Ami lecteur, c’est vrai eco-sapiens n’a pas encore fait de dossier pour t’expliquer comment fonctionnent ces certificats verts, sésames magiques qui fait des merveilles chez nos industriels en mal de communication verte.
Tiens mais que dit donc Green Access, revendeur de certificats verts choisis par McDO ?

Il est important de savoir que cet outil [le certificat vert] ne sert en aucun cas à développer la filière renouvelable. Ce qui permet de financer ce développement, ce sont les contrats d’achat signés entre les producteurs et EDF à partir des conditions définies par les pouvoirs publics.

Il y a donc eu un malentendu quelque part. Passons.

Ce qui est sûr, c’est qu’à l’instar de la démarche Transparent Trade, Veja ouvre une nouvelle voie de ce que peut être la transparence. On va pouvoir « regarder » la transparence et s’en mettre plein les mirettes. Alors qu’avec McDo, on a comme le sentiment de se faire scotomiser.

6 réflexions au sujet de “Veja écoloclaste”

  1. Très intéressant, merci Baptiste !

    Je t’invite à lire la manière dont nous avons formalisé « nos engagements » :
    http://www.pourpenser.fr/lire/index.php?rubid=21

    Et à nous faire part de tes commentaires.

    Comme toi je me méfie de ceux qui se clament parfaits et plus verts que verts.

    Et ton billet va nous inciter à être encore plus clairs sur les impasses que nous rencontrons quelques fois alors que nous essayons de faire « pour le mieux ».

    Il nous faut faire avec le monde dans lequel nous vivons (ok, je peux aussi faire le choix de me mettre totalement à l’écart, mais dans ce cas, j’arrête de faire des livres, je déscolarise mes enfants et on s’installe dans une ferme)

    Il nous faut donc faire avec le monde dans lequel nous vivons disais-je, et ce monde est loin, très loin, d’être adapté pour faciliter les pratiques sobres. Alors on fait « au mieux », c’est à dire avec des compromis.

    MAIS – parallèlement à cela il me semble également important (essentiel ?) de s’engager avec d’autres pour faire évoluer les choses afin de faciliter la tâche de ceux qui nous suivrons.

    Par exemple, là, nous nous sommes en train de lancer avec 6 autres éditeurs un collectif d’éditeurs « écolo-compatibles » (www.leseec.org) et l’un de nos buts sera justement d’étudier les pratiques des uns et des autres, et d’essayer d’en déduire « les meilleurs pratiques ».

    Et dans ce collectif, j’ai bien envie que l’on soit le plus transparent possible !! 😉

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  2. ça laisse carrément pensif sur la façon de communiquer des grands groupes qui se lavent à coup d’annonces plus vertes les unes que les autres. Mais aussi à nous autre, entrepreneurs « éthiques » fonctionnant à échelle humaine mais sans complète transparence.

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  3. Bonjour,
    Merci pour l’article qui fait effectivement la différence entre traçabilité de l’énergie renouvelable électrique (qui sert notamment à l’affichage des engagements environnementaux) et mécanisme principal de soutien au développement de l’électricité verte.
    Néanmoins, le certificat d’électricité verte a bien une valeur et représente à l’évidence une source de revenu complémentaire qui doit aussi servir à favoriser le développement des filières vertes en France (ou l’environnement). C’est en tout cas notre philosophie et ce que nous avons cherché à mettre en place dans le cas de notre service Web Wattimpact.
    A titre d’exemple, vous trouverez un lien vers nos engagements écologiques Wattimpact qui reposent effectivement sur l’appropriation d’un certificat d’électricité renouvelable associé à des engagements qualitatifs.
    Restant à votre disposition.
    Jérôme pour Wattimpact
    http://www.wattimpact.com/Contrat.aspx

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  4. @Albert,
    C’est un éternel débat et nous sommes là-dessus sur la même longueur d’onde. Oui il faut souligner certains efforts accomplis par les principaux pollueurs. Car sinon, comment encourager ? Mais non, on ne peut pas laisser passer certains verdissements au nom de ces efforts qui sont tout de même une goutte d’eau parmi l’ensemble des pratiques. Parfois, j’ai peur que les gens finisssent par croire que McDo est écolo…

    @Tom
    Effectivement, dans nos structures à taille humaine, on a les défauts d’un humain… à savoir nos contradictions. Et que ce qui nous motive, c’est d’une certaine manière une sorte de perfection. Et il est plus simple de mettre de côté certaines choses qui entacheraient cette perfection. Je pense qu’on avancera bien mieux si l’on est capable de se moquer de nous-mêmes, ouvertement, qu’il y a encore ci et ca qui ne vont pas.

    @Jérôme
    Dommage que vous n’étiez pas présent hier à la réunion MyCoop sur Paris. J’ai demandé, tel un béotien, comment fonctionnait les certificats verts.
    C’est plus clair mais pas encore lumineux. Je serai ravi de pouvoir approfondir le fonctionnement de tout ceci avec vous. Je pense qu’on ne va pas être d’accord et que nous allons répéter l’éternel débat sus-mentionné en liminaire 😉

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  5. je viens de lire cet article pointé par quotidiendurable.com, et ça laisse pantois… ça rend extrémiste de lire des trucs pareils. Il faut porter des sabots fait maison, avec du bois recyclable, sans matériel électrique, c’est ça la solution (a moins d’avoir une perceuse avec un certificat vert??) ? 🙂

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  6. Bonjour tout le monde,

    Merci Baptiste pour cet article. J’ai participé à une table ronde au cours d’un forum sur le « Green Marketing » (tout un programme !) et le co-fondateur de Veja Sebastien Kopp était présent.
    J’ai vraiment été touché par son élan de… sincérité ? (même si cela a un côté très moral) il était très transparent, parfois un peu brute dans ses déclarations, mais en tout cas toujours honnête.

    C’est une posture à laquelle j’adhère à 100%, et comme tu dis si bien « au royaume de la publicité et du développement durable » ça n’est pas monnaie courante !

    Un exemple à suivre donc 🙂

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