De la résilience de la Nature

(à Daniel, rencontre fortuite et heureuse)

Chasse écoloEadem sed aliter. La même chose mais autrement. C’est, je le rappelle, la devise de Schopenhauer qui aimait comparer sa philosophie à la Thèbes aux cent portes.

Ainsi, en matière d’écologie, a-t-on non seulement l’impression que le l’Histoire humaine se répète à en devenir risible (mécanique plaqué sur du vivant). Mais surtout il me semble que l’écologie ne fait que dire la même chose, mais sur des plans différents. Et le noyau dur de la réflexion écologique serait : le monde est en interaction. Alors que la vision dominante industrielle est : l’homme est en action.

Une vision holistique face à une vision anthropocentrée. Une vision unifiée face à une vision segmentée.

Je rappelle qu’en physique, le problème dit à N corps qui étudie les interactions gravitationnelles de plusieurs astres, n’a pas de réponse exacte. En clair, on sait parfaitement modéliser l’interaction entre une étoile et une planète. On a théorisé il y a un siècle pour trois corps. Mais au-delà (un soleil + Mercure + Venus + Terre + Lune par exemple) on ne sait plus théoriser. Il faut recourir aux résolutions par approximation.

En soi ce n’est pas grave. Mais cela montre que l’écologie, qui s’intéresse aux interactions (et pas seulement gravitationnelles !) de milliers d’éléments aux propriétés différentes (eau, air, sol, plantes, animaux, …) a encore du chemin pour donner une vision exacte du monde…

Le mot résilience a une histoire étonnante. En latin, resilio possède deux sens: sauter en arrière, rebondir + renoncer. On retrouve d’ailleurs ce sens figuré en français quand on résilie un contrat. Quant au premier sens, c’est l’anglais qui l’a utilisé en 1920 dans le domaine scientifique. C’est l’élasticité du matériau, sa capacité à reprendre sa forme initiale.

Par extension, il a été utilisé en zoologie (Larousse parle de la fécondité des poissons…), en économie et plus que jamais en psychologie. C’est bien sûr Boris Cyrulnik qui a popularisé le concept. Il s’agit de la capacité qo’ont les individus à retrouver un état stable suite à un traumatisme.

Que ce soit en informatique, en écologie, en économie ou en psychologie, il y a toujours cette idée de « prendre un coup » et d’arriver ensuite à retrouver une configuration stable. En clair, la résilience n’est pas la résistance car il s’agit d’un processus dynamique.

On comprend que cette notion puisse être à double tranchant. Aux Etats-Unis, la résilience est une qualité de self-made-man (savoir rebondir après un échec). L’huître, pour neutraliser l’impureté clandestine, ne va-t-elle pas fabriquer une perle ?

A contrario, sous prétexte de résilience, tout devient justifiable. Un monde chaotique avec des individus résilients est-il souhaitable ? Pour paraphraser Laurence Parisot, la précarité généralisée, est-ce vraiment intéressant ? Tout le monde n’est pas égal pour la résilience. Va-t-on demander à un enfant les mêmes capacités d’adaptation qu’un adulte ?

Mais venons-en plus précisément à la résilience écologique. Un résultat indéniable de l’écologie est : « plus on est de fous plus on rit« . C’est à dire que la biodiversité n’est pas là que pour la beauté des yeux. Elle est là pour multiplier les chances de survie et d’adaptation. Le bourdon, avec son pelage préhistorique, va certainement laisser la place à l’abeille un peu moins velue !

Comme je l’ai entendu lors d’un colloque organisé sur cette question « moins c’est binaire, moins c’est fragile ». Actuellement, le problème est qu’on est incapable de quantifier la résilience de la nature. Le dodo de l’île Maurice ne reviendra pas. Et toutes ces espèces végétales et animales qui meurent dans le silence médiatique ne reviendront pas non plus.

Bref, l’homme détruit des équilibres… pour en construire d’autres à sa manière. On entend parfois que Tchernobyl ou Deepwater ont provoqué un boom de la vie là où l’on pensait que la catastrophe avait tout cassé. C’est évidemment exagéré pour ne pas parler de propagande. La Nature reprend ses droits. Elle n’est plus la même. Les cartes ont été redistribuées, ce qui peut-être intéressant. C’est la fameuse histoire de la météorite qui détruit les dinosaures pour laisser la place à l’homme. Ce qui indéniablement est intéressant… pour nous !

L’enjeu philosophique consiste en fait à sortir de la vision d’une nature résiliente par nature (si j’ose dire!) transformée et agressée par l’homme. La résilience n’est pas un fait. C’est un défi. Et c’est justement parce que l’homme fait partie de la nature. Fait partie de cette histoire.

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